dimanche 6 novembre 2016

Éducation à la sexualité : pourquoi aucune école pilote dans la ville de Montréal ?

La Commission scolaire de Montréal (CSDM) est de loin la plus importante du Québec. Elle regroupe plus de 112 000 élèves, dont plus de 70 000 au secteur des jeunes, répartis dans 191 établissements scolaires : 127 établissements de l’ordre d’enseignement du primaire, 34 établissements de l’ordre d’enseignement secondaire, 5 établissements combinant les ordres primaire et secondaire. La CSDM offre également des services à près de 4 250 élèves au secteur de l’accueil, soit des élèves nouvellement arrivés au pays. La Commission scolaire English-Montréal (CSEM) est, quant à elle, la plus grande des neuf commissions scolaires anglophones du Québec regroupant plus de 35 000 élèves dans les secteurs jeunes et adultes, elle compte 40 écoles primaires, 17 écoles secondaires et 11 écoles « innovatrices ».

Or voilà qu’aucune école de ces commissions scolaires « riches de leurs diversités » ne fait partie des écoles pilotes pour le nouveau programme d’éducation à la sexualité selon la page d’information du Ministère de l’Éducation du Québec. Aucune école privée de l’île de Montréal ne fait partie de ces écoles privées selon cette même liste. La carte ci-dessous situe ces écoles sur la carte du Québec, elles sont marquées d’un point bleu.



Seules trois écoles sont dans la région de Montréal (marquées d’un point bleu) :


Or, sur 863 007 élèves inscrits dans les écoles de la maternelle, du primaire et du secondaire du réseau public québécois pendant l’année scolaire 2014-2015, 143 414 l'étaient dans la seule région administrative de Montréal (06) correspondant à 5 commissions scolaires, 38 574 dans la région administrative de Laval (13) et 152 242 dans la région administrative de la Montérégie (16). Ces trois seules régions regroupent donc près de 40 % des élèves du Québec alors que seuls 18 % des écoles pilotes s’y trouvent.


Éviter des populations aux mœurs trop conservatrices ?

Se pourrait-il que le manque d’écoles de la région retenues dans le projet pilote — absence encore plus criante dans les très multiethniques CSDM et CSEM — s’explique par le profil des parents qui y envoient leurs enfants : des immigrants aux valeurs conservatrices ?

Rappelons quelques faits et témoignages :

— Jacques Tobin, enseignant de philosophie, reconnaissait dans les colonnes du Devoir que la politique, la religion et le sexe, susceptibles de se retrouver dans son contenu, sont trois thèmes qui sèment la chicane au Québec : Aborder les questions des menstruations ou de la séduction devant un auditoire plutôt multiethnique lui a valu des reproches de ses élèves qui l’ont sommé de se mêler de ses affaires. Et M. Tobin a suscité de plus vives réactions encore à la présentation du film C.R.A.Z.Y., de Jean-Marc Vallée, dont il s’est servi pour parler de l’homosexualité et des valeurs du Québec dans les années 60-70-80. « Deux gars qui s’embrassent, c’était pour elles “dégueulasse” », a raconté M. Tobin, en admettant avoir reçu quelques appels téléphoniques de parents.

— Comme le reconnaissait la CBC (très favorable à un programme d’éducation à la sexualité assez similaire en Ontario) : « La plupart des parents opposés au programme [d’Éducation à sexualité] ont des racines dans des pays à l’extérieur du Canada. » 

— Enfin, l’endroit où l’on semble le moins enseigné le cours ECR (qui aborde déjà des questions de sexualité) est précisément Montréal :
une enquête de l’Association québécoise en éthique et culture religieuse corrobore les échos que nous avons du milieu scolaire : près de la moitié des écoles (100/211) réduisent sensiblement le temps d’enseignement recommandé par le ministère. À Montréal, ce taux grimpe aux deux tiers. Il semble aussi que des écoles placent officiellement ce cours à l’horaire mais, dans les faits, lui substituent un autre cours.
Nancy Bouchard dans Le Devoir du 17 août 2016

Le PLQ au Québec a une base électorale fidèle parmi les immigrants. Ils sont toutefois des conservateurs sociaux. Les programmes scolaires (obligatoires pour tous, nous sommes au Québec après tout !) s’attaquent aux valeurs conservatrices et évincent le rôle des parents quand ils préconisent l’« exploration de nouvelles valeurs et normes en matière de sexualité, au-delà de celles de la famille »... Se pourrait-il que le PLQ n’ait inclus aucune école qui constitue la riche courtepointe multiethnique (mais conservatrice quant aux mœurs) de Montréal pour ne pas alarmer une partie de sa base électorale et la mettre simplement devant le fait accompli une fois le projet pilote couronné de succès (ne le sont-ils pas tous au Québec ?) et mis en application ?



Voir aussi

Cours d’ECR : les enseignants « marchent sur des œufs »


Du grand journalisme : « Les Ontariens et le sexe »

Québec — Le nouveau programme d’éducation sexuelle prônerait l’exploration sexuelle...?

« exploration de nouvelles valeurs et normes en matière de sexualité, au-delà de celles de la famille » :


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